Suite à la mort étrange du Professeur Vollmer, Fred Stiller est nommé à la tête du projet Simulacron, programme de réalité virtuelle, complexe et convoité car simulateur d’évènements sociaux, politiques et économiques dans un monde composé de 9.700 unités identitaires. Tout juste rentré de vacances, Stiller séducteur et scientifique idéaliste participe à une fête décadente et froide à l’issue de laquelle Lause, chef de la sécurité, disparaît. Personne semble savoir de qui il parle lorsqu’il commence à enquêter sur cette affaire. Il multiplie alors rencontres énigmatiques et situations indéchiffrables qui le plongent de plus en plus dans un désarroi angoissant.
Cela fait quelques années que le Nova tente de projeter ce film réalisé pour la télé par Fassbinder en 1973 et c’est enfin chose possible grâce à cette copie restaurée flambant neuve ! Une occasion unique de découvrir cette fable cyber punk avant l’heure, œuvre visionnaire et maîtrisée. Une approche de la science fiction seventies, parlée en allemand mais filmée dans le Paris de Giscard, où l’on écoute de la musique grecque, des airs classiques célèbres ou du piano mécanique, tout en s’habillant à la mode du présent/futur et des années folles. Grâce à une une esthétique froide, serrée, souvent kitsch, Fassbinder maintient l’intérêt en multipliant les pistes, mélangeant les tons et en n’hésitant pas à ralentir ou accélérer l’action à sa guise dans un monde aux relations humaines étranges où la mémoire ne peut être source de confiance. Il va sans dire que l’on retrouve des acteurs fidèles de l’univers du cinéaste allemand, évoluant dans des décors et mobiliers d’époque : Klaus Löwitsch, Günter Lamprecht, Ingrid Craven, Gottfried John, etc, mais aussi ses obsessions visuelles, ses ambiances décalées, et ses zooms tranchants.
En adaptant "Simulacron 3" de l’écrivain américain Daniel F. Galouye, Fassbinder anticipe sur un cinéma qui aura la part belle dans les années 90 avec des films comme "Matrix", "Existenz" ou "Dark City". Inutile de préciser que le cinéaste allemand propose une autre approche visuelle du sujet, ne faisant quasiment aucun recours aux effets spéciaux, mais à une atmosphère particulière, des costumes et des effets sonores.
Il s’agit bien ici d’un long téléfilm en deux parties, pratique courante, plutôt que d’une mini série, terme plus récent qui ne correspond pas vraiment à ce film. Rompu au cinéma comme à la télévision, Fassbinder livre ici une œuvre pertinente, adaptée aux deux formats, grâce à une mise en scène exigeante, où la notion d’espace distendu fascine et laisse entrevoir des recoins où se perd le regard et commence l’imagination.