En Belgique, comme ailleurs, le cinéma a mauvaise réputation à ses débuts. Spectacle populaire, d’abord forain puis sédentarisé dans des salles obscures où se passe Dieu sait quoi, il n’est pas considéré comme un art, mais bien comme un bas divertissement. Dangereux, qui plus est, par sa capacité à impressionner. Les autorités et autres défenseurs des bonnes vieilles valeurs ne vont pas tarder à vouloir réglementer. Le principe est le même partout, on doit "protéger" les esprits faibles (typiquement les enfants, mais aussi les indigènes du Congo belge, par exemple, ou encore les classes populaires en général), facilement dominés par des pulsions ou autres velléités contestataires que pourrait susciter en eux un spectacle trop excitant. Il faut maintenir l’ordre public et protéger les bonnes mœurs.
Mais en Belgique, la Constitution, très libérale, garanti l’absence de censure. Le contrôle du cinéma va donc être instauré sous l’angle de la protection de l’enfance, dès 1920 : les films peuvent être exploités librement, mais sont, par défaut, enfants non admis. Pour obtenir le certificat "enfants admis", ils doivent être soumis à la Commission de contrôle. Celle-ci devra veiller au bon respect de la morale, des valeurs judéo-chrétiennes, de l’autorité, etc. et éventuellement recommander des coupes ou changements. La Commission ne peut toutefois émettre un point de vue politique ou idéologique, ce qu’elle ne respectera pas toujours. En pratique, les conséquences économiques de l’exclusion du public familial vont forcer les distributeurs à rentrer dans les logiques de la censure.
En dehors de cet organe officiel, d’autres institutions peuvent intervenir : l’Église, très influente, les autorités locales, au nom de l’ordre public, et la Justice, qui peut faire interdire un film (voir "L’empire des sens"). Le contexte de la production et de la distribution en Belgique est aussi tel que les pouvoirs publics jouent un rôle majeur, en attribuant des aides financières qui rendent possible, ou pas, la réalisation et la diffusion d’un film.
Au pays où la censure n’existe pas, il y a donc bien des choses à évoquer. C’est ce que nous ferons en compagnie de Daniël Biltereyst, professeur d’études du cinéma et des médias à l’Université de Gand et spécialiste de la censure du cinéma.
(en français)
08.12 > 19:00