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Histoire

Michael Powell & Emeric Pressburger, 1943, DCP, vo st fr, 164

On n’insistera pas sur l’immense maîtrise et le talent bien connus de Michael Powell et Emeric Pressburger. Leur insolence est par contre moins notoire. Alors quand le Ministère de l’information britannique découvre leur prochaine production, après leur époustouflant et culotté film de propagande "49ème parallèle", l’ex-commanditaire ne s’attend pas à une provocation pareille, ni à un film d’une telle ampleur. Au point que Churchill en personne tenta d’empêcher la production et la sortie de "Colonel Blimp" !

A travers une histoire d’amour pour la même femme sous différentes incarnations (toutes jouées par Deborah Kerr) et une histoire d’amitié indéfectible entre un officier anglais (inspiré du Colonel Blimp des années 30 du caricaturiste David Low) et un officier allemand, les deux cinéastes nous proposent une analyse de l’attitude de l’Angleterre dans ses guerres coloniales et les deux guerres mondiales... Et ce en 1943 ! Et si ce long métrage où pas un coup de feu n’est tiré, a toute sa place dans cette programmation, c’est que tout se joue après une guerre... et donc avant une autre. Les scènes les plus marquantes étant celles où Anton Walbrook (qui joue l’officier allemand, Theo Kretschmar-Schuldorff) se désole auprès de Roger Livesey (le "Colonel Blimp" du titre alias Clive Candy) de la perte de la guerre de 14 en en prophétisant les conséquences néfastes, alors que les officiers anglais se réjouissent et se moquent ; et la scène où il cherche asile en Angleterre au début de la guerre en cours, fuyant le nazisme et ses enfants embrigadés. Ultime problème pour la censure anglaise : l’Allemand est toujours sensible et lucide tandis que l’Anglais, bien que bonhomme, se trompe d’attitude et d’angle analytique.

Cette histoire non manichéenne est magnifiée par les couleurs d’un Technicolor des plus recherchés, éblouissant et unique dans le cinéma européen, et par une mise en scène d’une finesse confondante, avec ses flashback et forward à en donner le vertige, sans oublier ses dialogues succulents. La grande classe anglaise !

09.09 > 20:00 + 23.10 > 21:00
5€ / 3,5€


John Huston, 1946, 35mm, vo st fr, 60

Si vous revenez de la guerre en proie aux cauchemars, que vous ne savez plus marcher ou qu’étrangement, vous vous mettez à pleurer pour un oui ou pour un non, pas de problèmes ! L’armée américaine vous a concocté un petit programme de remise en forme : quelques séances d’hypnoses, deux-trois discussions avec un psy, du sommeil et hop, hop, hop, vous revoilà d’aplomb pour repartir au combat, au base-ball ou au fin fond du Mississippi. Testé à Long Island, filmé en 1946 par John Huston alors mobilisé, "Let There Be Light" vous en donnera quelques petits exemples spectaculaires. Que la lumière soit, certes, mais surtout "Lève-toi et tais-toi ". Seulement, voilà, ça parle beaucoup dans ce documentaire. Ça pleure, ça souffre, ça se dit... L’horreur, l’effroi, la douleur ne sont jamais loin derrière l’optimisme enthousiaste de cette voix off un poil hystérique. Malgré une partie de base-ball mémorable, l’état Major fut si peu convaincu par l’efficacité propagandiste du film qu’il le retint dans ses tiroirs jusqu’en 1981.

Pour une petite mise à jour du programme santé, voire page 3 : "Of Men and War".

25.09 > 18:00 + 02.10 > 22:00 + 22.10 > 19:00
5€ / 3,5€


Live Soundtrack

Birth of a Nation

David Wark Griffith, 1915, 16mm > video, muet, st int en/NL, 193

Une guerre civile fondatrice des Etats-Unis modernes, une guerre où les questions d’esclavagisme et de racisme sont centrales. Et puis ce film, sorti en 1915, qui donne le ton pour le cinéma formel à venir. Mais un film au message hallucinant, l’un des pires de l’histoire du cinéma.

Un film pro Klu Klux Klan (si si) qui raconte, d’après un roman, la difficile reconstruction du sud des États-Unis dévasté par la guerre de sécession. Ce sud est vu par le prisme de deux familles amies, qui s’affrontent sur les champs de bataille pour mieux encore se déchirer par la suite ; des histoires d’amours croisées (mettant en scène la légendaire Lilian Gish), dans la grande tradition épique... S’il ne suffit pas de dire que la guerre est finie, il l’est encore moins d’annoncer que les hommes sont égaux après avoir aboli l’esclavage.

A sa manière, qui choqua déjà à l’époque, suscitant émeutes et boycott, mais aussi soutien et renaissance du Klan, le chef d’œuvre de Griffith se transforme en sacré grain de sable dans la machine à faire croire que l’art, la morale et le progrès marchent main dans la main. "Birth of a Nation" dérange et fascine toujours aujourd’hui. Avec ses personnages noirs joués en grande partie par des blancs, ses clichés éhontés et essentialistes. Mais il marque aussi par sa science du montage, l’efficacité du récit, les mouvements de caméras, les séquences colorisées, la maîtrise des grandes scènes d’extérieurs (la guerre, la poursuite finale) et des scènes d’intérieures intimistes (notamment l’assassinat de Lincoln par John Wilkes Booth, incarné par Raoul Walsh !).

"Birth of a Nation" est un véritable monstre de cinéma, un film fondateur à l’aune duquel on juge encore les tentatives de film épique ou traitant d’un sujet proche.

Depuis quelques années, le film est tombé dans le domaine public. L’occasion était donc trop belle de le réinterpréter en lui préparant une bande son live maison à base de musiques d’époque, field recordings, discours détournés historiques ou actuels, et bien sûr quelques interventions de musiciens surprises. Nul doute que ce live soundtrack non conventionnel résonnera d’une façon très particulière au moment même où les questions raciales resurgissent de manière frontale dans le "Land of the Free" !

14.10 > 20:00
7,5€ / 6€


Après la projection de "Twaaga", histoire d’une réappropriation du mythe Sankariste en mai dernier lors des séances "Africa is/in the future", "Capitaine Thomas Sankara" retourne aux sources de cette figure devenue légendaire qu’est l’ancien président burkinabé, Thomas Sankara, au travers d’un documentaire constitué uniquement d’archives visuelles et sonores.

Une soirée organisée en partenariat avec le Comité pour l’abolition des dettes illégitimes (CADTM), en hommage à Thomas Sankara, le jour de la commémoration de son assassinat.



Film + débat

Capitaine Thomas Sankara

Christophe Cupelin, 2014, HD, vo st fr, 90

"Capitaine Thomas Sankara" - refusé au Fespaco (Festival Panafricain du Cinéma de Ouagadougou) en 2013, dans un Burkina Faso encore dirigé par Blaise Compaoré – dresse, au travers d’extraits issus des médias locaux et d’autres images capturées en Super 8 en 1985, le portrait d’un homme anticonformiste et visionnaire, devenu aujourd’hui une icône de la jeunesse africaine, tel Lumumba. De 1983 à 1987, sous Sankara, le peuple burkinabé accomplit des avancées spectaculaires dans des domaines décisifs : émancipation des femmes, alphabétisation, reforestation, souveraineté alimentaire, maîtrise de l´eau et de l’agriculture.

Impertinent, on le voit aux côtés de Fela Kuti, grattant sa guitare, mais aussi de Khadafi ou de Fidel Castro. L’air paternaliste, Mitterand avoue dans une séquence : "avec lui on ne dort pas en paix" !

L’approche emphatique et le montage assumé du réalisateur nous permettent de devenir si proche de Sankara que la fin du film nous laisse un sentiment soudain de tristesse, comme si nous avions oublié qu’il avait été assassiné il y a 29 ans...

Dans un de ses derniers grand discours, à la conférence des pays de l’OUA en 1987, Thomas Sankara dénonce tout un système politico-économique étonnamment actuel : "La dette ne peut pas être remboursée parce que si nous ne payons pas, nos bailleurs de fonds ne mourront pas. Par contre si nous payons, c’est nous qui allons mourir".

La projection sera suivie d’un débat en présence de Bruno Jaffré, biographe de Sankara.

15.10 > 20:00  
5€ / 3,5€


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