Dans une ville-béton des montagnes du nord du Japon où les grenades – les fruits – côtoient les hivers rigoureux, se tient depuis 1989 le festival international du film documentaire d’Asie.
La légende raconte que le festival fut amorcé par un discours mobilisateur d’Ogawa Shinsuke qui, après avoir épuisé les réseaux militants et parcouru le pays bobines sous le bras, sut qu’il fallait réinventer la diffusion des films. Après l’entreprise folle du "Cinéma vieux de mille ans" – un cinéma éphémère construit en bois et en terre sur un terrain vague de Kyoto, exclusivement dédié à la projection du film sur le village de Magino (cf ci-dessous) –, d’autres expériences étaient à créer et, surtout, il fallait fédérer et stimuler la production de cinéma documentaire de création en Asie, très maigre à l’époque. Un nouveau festival devait permettre cette effervescence, être une extension de cette vision de l’énergie collective à l’échelle internationale.
Aujourd’hui, le festival s’est érigé comme l’une des références mondiales tout en maintenant cette vision activiste et cohérente. L’équipe ne se laisse pas guider par les impératifs de l’industrie et sa course aux avant-premières. Cette philosophie rayonne de chacune des projections et le public y est composé de professionnels du secteur comme d’habitants de Yamagata. On y retrouve évidemment une compétition internationale, une autre continentale et une sélection de films japonais. Mais aussi des séances spéciales et des programmations thématiques.
Le festival de Yamagata s’est aussi organisé en centre d’archives du cinéma documentaire. Un rôle de gardien de la mémoire et d’aide à la production et à la diffusion, comme avec leur programme "Cinema With Us". Il apporte un soutien concret et direct aux réalisateurs qui filment "l’après 11 mars 2011" sous toutes ses fissures. C’est par ce biais que nous avons travaillé avec eux, sur deux modules thématiques organisés en nos murs en 2014 puis 2016, et c’est suite à cette collaboration qu’ils nous ont fait l’honneur de nous inviter. Nous en ramenons des films récents d’Inde, de Chine et du Japon, mais aussi un hommage aux anciens, Ogawa et Matsumoto, qui révèle l’ADN complexe et cohérent du festival.