Au départ de cette programmation, nous avions envie de (re)montrer des films de personnes avec qui nous sommes en contact depuis un moment - certains étant déjà passé par le Nova - et de leur demander leur point de vue sur ce qui se passe pour l’instant aux USA en matière de cinéma. Les deux ou trois premiers contacts se sont vite multipliés et les quelques séances prévues initialement se sont transformées en cinq semaines de programmation. Tout fonctionne en réseaux et l’information circule vite ! Explications.
Le cinéma produit et diffusé en dehors des circuits commerciaux classiques n’a pas la vie facile, et peut-être paradoxalement encore moins dans un pays qui a une industrie cinéma aussi puissante. Hollywood fait beaucoup d’ombre, au point que s’inscrire volontairement dans une autre démarche est vu comme un acte politique, un véritable acte de résistance. Dans les années 1960 déjà, des collectifs de cinéastes et d’artistes se formaient autour des questions de diffusion et de survie du cinéma "d’auteur", "expérimental", "artistique". Différents groupes et coopératives sont nées de ces questions - The Film-Maker’s Coop, Canyon Cinema, ... - et ont posé les bases d’un circuit de production et de diffusion parallèle, non-commercial, respectueux des artistes et ouvert à tous, ce qui permettra la sauvegarde d’un patrimoine énorme, sa diffusion et l’émergence de nouveaux réalisateurs.
A ce réseau déjà ancien, s’ajoute celui des écoles de cinéma, qui jouent aussi un rôle important. Elles tissent des liens, forment et soutiennent une nouvelle génération, mais permettent aussi la survie financière d’une grande partie des réalisateurs et artistes... qui y sont professeurs. Car faire de l’argent avec ses films n’est pas donné à tout le monde. Exceptionnellement, certains ont la chance d’être "reconnus" rapidement et de voir leurs films montrés dans des festivals, ou encore d’être "adoptés" par une galerie, nouvelle tendance pour certains artistes ancrés dans le monde parallèle de l’Art contemporain. - Si cet apparent parrainage leur permet de faire des films et d’en vivre, ceux-ci restent la propriété de la galerie ce qui compromet parfois leur diffusion. Un phénomène similaire se passe avec certains grands festivals, qui produisent des films... pour mieux en contrôler la distribution et l’exclusivité. - Toujours est-il que la plupart des réalisateurs font tout en auto-production, avec du matériel rudimentaire et une bonne dose de bricolage, et ne montrent leurs films que dans des endroits qui ont eux-mêmes du mal à subsister.
Depuis une quinzaine d’années, face au manque grandissant d’espaces réguliers pour montrer des films hors normes - et alors que le cinéma "indépendant" s’hollywoodise autour d’événements comme Sundance et que certains gros studios se "spécialisent dans les productions indépendantes" -, une série de festivals du film underground sont apparus (à NY, Chicago, Portland, ...). Ils créent un réseau qui se superpose au réseau clairsemé des microcinémas survivant encore. Parallèlement, les nouveaux moyens de communication permettent de faire circuler films et informations rapidement et vers un plus grand nombre (sites web, labels DVD et DVD-zine, etc.). Ces nouveaux réseaux ont été renforcés par internet, mais aussi par certains cinéastes nomades qui passent une bonne partie de leur temps sur les routes pour montrer leurs films (et ceux des autres) dans les endroits les plus improbables, établissant ainsi des contacts un peu partout aux États-Unis, voire dans le monde... L’entraide est à la base de la survie et de la circulation des oeuvres, chaque réalisateur étant un programmateur potentiel. Nous avons donc vite été submergés par les recommandations de films et de contacts. Difficile de faire le tour de la question mais voici déjà un bon aperçu pour commencer !